Le Home Cinéma ça ne marche pas (part 5)

Le boulet de la Hi-Fi 2 (le retour)

Je suis incapable de dénombrer le nombre de constructeurs d’enceintes Hi-Fi , mais j’ai parfois le sentiment qu’ils sont plus nombreux que leurs clients. On dirait que concevoir des enceintes est un sport se jouant en “open”.
La spécialisation des enceintes acoustiques dites “HiFi” vers la reproduction musicale domestique date environ des années 60. Auparavant, elles avaient à peu près toutes le même cahier des charges, à savoir la reproduction du son aussi fidèle que possible (c’était peut-être une bonne idée, non ?), avec des critères de puissance et de rendement variant selon l’application : On trouvait des enceintes puissantes à fort rendement en sonorisation, notamment pour les salles de cinéma, et des rendements et puissances moindres pour les applications de monitoring de studio ou domestiques.
La recherche de réalisme dans la reproduction sonore a amené le terme “Haute Fidélité”, Hi-Fi en abrégé et en Anglais.
Par de mystérieux dérapages, j’ai le sentiment qu’aujourd’hui Hi-Fi ne signifie plus Haute Fidélité, mais plutôt appartenance à une secte…
Ais-je réussi à faire dresser les cheveux sur votre tête? Si oui, envoyez-moi un E.Mail, merci, çà me fera plaisir.

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Revenons à nos moutons.
Les enceintes de Hi-Fi sont toutes conçues dans le but, très louable, de procurer le maximum d’agrément à l’écoute de musique enregistrée sur des supports grand public.
C’est là que les technologies divergent… Les enceintes professionnelles doivent reproduire le plus fidèlement possible des signaux soit non enregistrés (concerts “live”), soit enregistrés sur des supports professionnels (films, disques durs, bandes multipistes analogiques, puis numériques).

En quoi ces objectifs diffèrent-ils?
C’est très simple, revenons aux supports grand public : Ils sont conçus pour permettre à tous de consommer de la musique de façon simple, polyvalente et bon marché.
Donc, sur à peu près tous les systèmes de diffusion existant, constitués en très vaste majorité de walkmans (ou équivalents pour CD), de Ghetto Blasters, d’autoradios.
Dans quelques applications minoritaires, on trouvera des chaînes dites Hi-Fi intégrées, coûtant environ 300 Euros dans les grandes surfaces, et gentiment surnommées " Lo-Fi " Outre-Manche.

La vocation de ces enregistrements à être reproduits par des ensembles de haute fidélité performants est extrêmement minoritaire, voire carrément marginale.
Revenons dans l’atmosphère confinée des studios de production, au moment fatidique du mixage. Nous avons un ingénieur du son, un producteur artistique, et un producteur financier qui, outre leurs talents et vocations, ont un impératif économique vital : Leur bébé doit être dans tous les bacs, se vendre comme des petits pains.

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Il n’est donc pas envisagé une seconde de le destiner exclusivement aux 0,01% d’allumés qui passent leurs week-ends à écouter l’effet du rodage des câbles secteur sur la qualité de l’écoute…
Jusque là où est l’incompatibilité? (Je vous entend vous indigner, si, si). Simplement, prenez une bande Master (ce qui sort de la console de mixage avant la gravure), et passez-la dans un Ghetto Blaster ou une chaîne Lo-Fi. Par moment, vous n’entendez pas grand chose, et par moment c’est très fort et c’est franchement de la distorsion. D’ailleurs, le Ghetto Blaster " blastera " très vite si vous ne réduisez pas le volume…
Le secret est dans la plage dynamique, qui est l’écart entre le niveau le plus élevé et le plus faible de l’enregistrement.
Brute de fonderie, la plage dynamique peut atteindre 60 dB sur des oeuvres musicales classiques.
Les bruits de la nature ou artificiels atteignent des valeurs de plages dynamiques encore très supérieures (> 100 dB), ce qui est d’une importance particulière quand on les enregistre pour les bandes-son de films… Une chaîne Lo-Fi peut procurer un niveau moyen intelligible avec une plage dynamique de l’ordre de 15 dB, tandis que le bruit de fond dans une voiture (non Diesel) la réduit à 10 dB environ.

Alors, comment fait-on?
C’est très simple, il existe un outil magique qui s’appelle le Limiteur-compresseur. Cet appareil électronique réduit la dynamique du signal, et en limite l’amplitude maximum, suivant des paramètres réglables. L’utilisation de cet appareil est quasi-obligatoire pour passer de la bande Master à la gravure, sauf dans certains cas, lorsque la musique est à l’origine très peu dynamique (certaines musiques électroniques, par exemple).
A partir de cet état de fait, les concepteurs d’enceintes Hi-Fi haut de gamme, soucieux de l’agrément d’écoute, ont développé un concept dit " musicalité ", qui est rapidement devenu un critère de valorisation du matériel prédominant par rapport à l’antique concept de fidélité. Le but louable de tout concepteur de matériel est devenu de rendre l’écoute des supports à la dynamique ultra-compressée aussi agréable que possible. Ceci a amené des compromis techniques étonnants, comme une élévation du niveau des fréquences aiguës pour donner une illusion de pseudo dynamique.
On a ainsi créé un “son Hi-Fi” qui réjouit ses aficionados, et qui permet d’apprécier des oeuvres musicales enregistrées sur des supports grand public dans des conditions agréables.

Bien…
Maintenant, prenez une mini-console de mixage portable, ou tout pré ampli micro. Connectez un micro de chant en amont, un ampli de puissance en aval, et une enceinte Hi-Fi à ce dernier. Parlez dans le micro. Vous allez être surpris par le timbre de votre voix. C’est normal, pensez-vous, on n’entend jamais sa voix comme elle est, je suis toujours surpris quand je m’entends dans le répondeur, etc… (au fait, votre répondeur est Hi-Fi ?)
Dans ce cas, demandez à votre douce moitié de susurrer des mots d’amour habituels, comme “T’oublieras pas la vaisselle” ou encore “Tu ne crois tout de même pas que c’est moi qui vais sortir le chien?”. Là, vous verrez que ce n’est pas vraiment sa voix… c’est sûrement à cause du câble secteur…
Refaite l’expérience dans un studio d’enregistrement, si vous pouvez. Comptez jusqu’à deux dans le micro (les vrais pros, apparemment, ne savent pas compter au-delà). Vous aurez la surprise d’entendre votre voix fort et clair, et de reconnaître exactement votre timbre.
Pour tester une enceinte, il ne faut pas plus longtemps que pour compter jusqu’à deux, et la grande majorité des enceintes grand public se vautrent lamentablement sur ce test.
Et alors, direz-vous ? Si elles reproduisent la musique de façon agréable? Oui, mais si on veut passer des bandes-son de cinéma, il vaut mieux bien reproduire la voix humaine, la dynamique des bruits, bref retourner à une notion de réalisme original. La " musicalité " n’a rien à voir avec le Home Cinéma. J’ai entendu dire plusieurs fois
“Qui peut le plus peut le moins”. C’est vrai, mais la conclusion est à l’inverse de ce qu’entendent ceux qui le disent pour justifier l’utilisation d’enceintes Hi-Fi en Home Cinema : Si des enceintes sont bonnes pour une application Home-Cinema, il y a de fortes chances qu’elles soient très correctes en reproduction musicale. Par contre, des enceintes peuvent être très musicales, et totalement inadaptées à la diffusion des bandes-son de films. Si quelques essais ne vous en convainquent pas, alors prenez du papier de verre et frottez vos câbles secteur. Il paraît que çà en améliore le rodage…


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