Le Home Cinéma ça ne marche pas (part 1)

L’adaptation à l’environnement domestique se fait

A côté de ces évolutions impressionnantes du cinéma, on ne peut que rester affligé devant la dérisoire appellation “Home Cinema” d’un téléviseur (oui, bien sûr, il est 16/9, 100 Hz, écran plat, compatible progressif,…) entouré de deux enceintes colonnes Hi-fi espacées de 3m, surmonté d’une petite boîte en plastique répondant à l’appellation de voie centrale, deux haut-parleurs de la taille d’un paquet de cigarettes dissimulés derrière le canapé ayant reçu le pompeux nom de surround.
Très fier, l’heureux propriétaire vous fait illico une démonstration en connectant la 1, à l’heure du JT, puis enclenche un mode DSP particulièrement réussi qui donne l’impression que PPDA a été enregistré dans une cathédrale. Génial, Non ?
Cette caricature, hélas en est à peine une. Je ne reproche à personne l’idée de vouloir spatialiser le son d’un téléviseur, mais s’il vous plaît, retirez le mot CINEMA de tout çà !
Dans le concept Home Cinema, il y a Cinema -ou il y avait avant que le marketing des fabricants de téléviseurs ne s’approprient l’appellation, ce qui implique à mon humble avis que l’on se sente chez soi comme au cinéma.
Ou bien ai-je tout faux ?
Suivons, pur exercice de style, cette hypothèse extrêmement audacieuse que le Home Cinema devrait avoir quelque chose à voir avec le cinéma dans un contexte domestique…
Prenons maintenant le cas d’installations Home cinema pouvant prétendre reproduire à domicile les sensations du cinéma, donc fonctionnant nécessairement avec un projecteur vidéo et un “grand” écran. Faisons l’inventaire des points communs et des différences entre les deux :

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La réalité du Home Cinema aujourd’hui est que le son et l’image sont traités comme des entités différentes, accrochées à leur histoire : Le son , c’est la Hi-fi, l’image, c’est la vidéo (VHS sur le téléviseur, camescope, etc…) Pour des raisons culturelles ou autres, les techniques impliquées (La vidéo et l’audio) dans le Home Cinema occultent totalement la finalité du concept : le cinéma à la maison.
Je ne serais pas surpris qu’une proposition d’installation présentée par un bon vendeur, conçue sur l’idée d’une première salle optimisée pour l’image, et d’une deuxième salle optimisée pour le son, trouve preneur…
Cela dit, si vous trouvez l’idée séduisante… Zappez la suite de cet article !

Les coupables

-Les journalistes
Les journalistes sont coupables d’influencer l’opinion de leurs lecteurs par des écrits ou des opinions qui ne sont pas toujours fondés, vérifiés, impartiaux.
Moi, par exemple, j’écris ces lignes avec une idée bien précise sur la façon dont un Home Cinema doit fonctionner. Suis-je donc un journaliste impartial ? Certainement pas.
La seule chose que je peux vous dire, c’est que je ne juge un système Home Cinema digne de cette appellation que lorsqu’il est capable de donner à son utilisateur des sensations équivalentes à celles ressenties au cinéma, mais dans un environnement domestique. Il est possible que je mette la barre vraiment très haut, non ?

-Les revendeurs
Les revendeurs sont coupables de vendre ce que leur demandent leurs clients. C’est absolument inadmissible. Ils devraient préférer déposer leur bilan (eh oui, les temps sont durs) (ou se suicider) (s’ils n’ont pas d’enfants) plutôt que d’accepter de vendre des produits que leur réclament ces ignorants de clients, alors que tout le monde sait qu’ils ne « marchent pas ».

-Les clients
Le client est roi, tout le monde le sait, surtout lui. Parfois le roi est nu, ou plus simplement mal informé. Il a trop lu la presse spécialisée, il s’est gavé des fiches techniques du matos “hype”, et en a oublié l’essentiel : la cohérence et l’installation.

-George Lucas
Lui, c’est le jésuite du Home Cinema ! Certes, il a apporté un peu de bon sens dans la diffusion sonore des salles de cinéma, et son action a fait tâche d’huile, de nombreuses salles non labellisées THX ayant été améliorées en acoustique comme en moyens de sonorisation.
Mais en ce qui concerne le Home Cinema ! On trouve dans maints articles de Tomlinson Holman (le grand manitou du THX, avant qu’il ne claque la porte et soit remplacé par Laurie Fincham, ex-dirigeant de KEF qui a trouvé l’occasion de s’offrir une retraite dorée) qui expliquent pourquoi le son et l’image doivent être synchronisés, cohérents, etc…
Un seul article, publié en novembre 1989 dans le journal de la Japan Acoustical Society exprime clairement, en Japonais, que l’enceinte centrale doit être placée derrière et au centre de l’écran, qui doit être perméable au son.
Notons que les articles de la JAS ne sont pas accessibles au grand public, même s’ils parlent Japonais…
Les autres publications ont étés habilement travaillées, la cohérence du son et de l’image étant mentionnées comme “souhaitables”.
Il ne s’agirait tout de même pas de se couper de la majorité du marché, c’est à dire des 90% d’installations qui mettent en oeuvre un écran imperméable au son, et trois enceintes disposées tout autour…

Vôte belle-mère
Eh oui, il faut bien se défouler ! Alors, comme votre belle-mère a probablement tous les torts (La vôtre, je ne sais pas, mais la mienne si !), elle doit bien y être pour quelque chose…

Profil type d’une installation qui ne “marche pas”

L’installation se trouve dans une pièce dédiée, au sous-sol. Il s’agit d’une pièce qui ne servait pas à grand’ chose, basse de plafond, rectangulaire, sans fenêtre. Bref, l’idéal.
Comme elle ne sert qu’au Home Cinéma, inutile de la meubler.
Les murs en parpaings sont recouverts d’un enduit blanc, pour avoir un aspect “clean”, et on installe un système dans le sens de la longueur.
On choisit d’abord un projecteur vidéo qui doit être au moins XGA, puisqu’on “s’y connaît” en informatique. Le rapport luminosité/prix est le critère décisif du choix.
Pour projeter l’image, il faut un écran, le mur faisant trop “bricolage”. On choisira un modèle enroulable, électrique, grand tant qu’à faire : Quand on a fini d’utiliser la salle, on peut enrouler l’écran, qui est ainsi dissimulé (dans une salle dédiée, c’est particulièrement utile…).
Ensuite, il faut un son Surround. On commence par descendre la chaîne Hi-Fi. Il y a au moins les enceintes “principales”.
Il ne reste plus qu’à compléter par un ampli-processeur intégré qui fait aussi tuner. On pourra venir dans la salle dédiée pour écouter la radio… Puisqu’on est en format 5+1, il faut une enceinte centrale, type “d’Appolito” que l’on pose au sol faute de pied disponible, sous l’écran, deux enceintes Surround pas trop chères, et un Subwoofer.
C’est génial, après quelques week-ends passés à brancher le tout, on a réussi à faire tenir l’image dans l’écran. Bon, d’accord, ce n’est pas comme au Cinéma, mais c’est un Home Cinema.

Et si on regarde plus souvent la télé dans la salle à manger, c’est parce qu’on regarde plus souvent la télé qu’on ne va au Cinéma.

Regardons un peu ce qui cloche…

La taille de l’écran

La taille de l’écran peut sembler un critère anodin. C’est pourtant ce qui conditionne tout dans un Home Cinema : La taille de la pièce, les autres équipements, et donc le budget.

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Différents formats proposés en 16/9 ou 4/3

Typiquement, les amateurs de télévision auront tendance à choisir un écran 4/3, trop petit.
Les amateurs de cinéma choisiront un écran 16/9 presque aussi grand que la largeur de leur pièce.

Au bout du compte, aucun des deux ne sera satisfait, mais ne remettra en cause son choix.
Deux exemples de ce qu’il ne faut pas faire:
-Le mur sur lequel se trouvera l’écran fait 4 m de large. Comme j’aime avoir une grande image, je vais donc opter pour un écran de 4m ou presque (3.80m, par exemple).
-Je cherche une image aussi détaillée et contrastée que possible. Je vais donc opter pour un écran de 1.20m de large, qui sera bien plus grande que celle de mon téléviseur actuel.

Ces deux approches opposées ont un défaut commun, très répandu : ne se préoccuper que de l’image, sans tenir compte du contexte, de l’environnement, ni des autres éléments du Home Cinema.
La déception est, dans ce cas, assurée.

La position des enceintes acoustiques

Là, on ne peut pas se tromper, on fait comme tout le monde. On met deux enceintes “principales” de part et d’autre de l’écran. Si l’écran est un peu large par rapport au mur, tant pis, on les mettra près des angles.

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Configuration Home Cinéma en 5.1

S’agissant d’enceintes colonnes, elles sont à peu près à bonne hauteur.

Ensuite, on couche une petite enceinte centrale de type pseudo d’appolito (c’est à dire avec une fréquence de recouvrement trop haute pour fonctionner en vrai d’appolito il y en a beaucoup sur le marché) sous l’écran. On s’assure que la différence de hauteur entre les tweeters des enceintes principales et de l’enceinte centrale n’excède pas 60 cm.
(qui est l’imbécile heureux qui a défini ce critère? Sur quelle ignorance crasse s’est–il fondé?).
Cela dit, on peut faire pire : poser l’enceinte centrale directement sur le sol…
Pour finir, on installe un subwoofer dans un coin, et deux enceintes surround sur le mur du fond.
Et on obtient ainsi un Home Cinema qui fonctionne à peu près comme les autres, vive le panurgisme! Le problème c’est que les autres non plus ne fonctionnent pas de manière satisfaisante…
Oh! certes, un tel système fait du son spatialisé, et produit des basses.
Beaucoup de basses, d’ailleurs, avec quelques redondances, du traînage et des effets très spéciaux qui ne sont pas dans la bande son d’origine.

Les enceintes “principales” produisent un son un peu clinquant, avec l’aigu un peu proéminent.
La voie centrale passe de dialogues manquant d’intelligibilité, et les voix sont plutôt “colorées”. Pour rattraper l’intelligibilité, on augmente le niveau de la voie centrale, mais on atteint vite le seuil de distorsion.
Les enceintes arrières, par contre sont bien présentes. D’ailleurs on entend très distinctement quand un son passe de l’avant à l’arrière. Il y a juste un manque de progressivité, et le son semble différent.

Mais après tout, c’est normal pour un Home Cinema…

L’implantation de la pièce ou son choix initial

J’ai vu quelque part un article prétendant guider les apprentis-installateurs en Home cinema exposant de façon très pédagogique, dessins à l’appui, comment installer son Home Cinema.

La première chose qui est apparue, c’est le choix de l’axe de la pièce. Un Home cinéma était symbolisé avec son axe de diffusion se confondant avec la longueur de la pièce. En dessous, il était sobrement écrit “Oui”. A côté se trouvait un dessin de même dimension, avec l’axe de diffusion du Home Cinema dans le sens de la largeur de la pièce, barré d’une énorme croix rouge, avec le sous-titre “Non”.
Je ne vois pas ce qui permet à ce journaliste d’être aussi catégorique : Je vois plein de problèmes à la disposition du Home Cinema dans le sens de la longueur, si la pièce n’est pas immense : Les enceintes gauche et droite vont se trouver près des murs, et présenter des irrégularités de réponse en grave et bas-médium importantes.

De plus, les réflexions courtes (<10 ms)(donc sur des murs proches) sont notoirement à éviter en diffusion sonore : Non perçues comme des éléments de réverbération de la pièce, elles sont assimilées à une incohérence de la source sonore, et réduisent l’intelligibilité.
Pour peu que les murs soient clairs, des réflexions de lumière peuvent aussi gêner l’image.
Autant de problèmes dont on peut s’affranchir en plaçant le système dans la largeur de la pièce.

Un autre problème fréquemment rencontré est le positionnement du Home Cinema dans un endroit bizarre, au motif qu’étant donné la position du mobilier, il n’y a que là qu’il puisse se placer.
De grâce, pensez à la possibilité de changer de place votre mobilier avant de décider.
J’ai vu des écrans entrant à moitié sous un escalier, le bord opposé touchant l’angle de deux murs. J’ai également vu des écrans installés de biais.
Sans parler des dissymétries totales. Cela peut cependant se résoudre avec le traitement acoustique approprié, mais dans ce cas, il faut absolument le faire.

Globalement, le problème est que les utilisateurs conçoivent eux-mêmes l’emplacement où se trouvera leur Home Cinema sans avoir les connaissances nécessaires, puis installent leur intérieur. Ensuite, seulement, ils se chargent d’acquérir l’équipement. Dans beaucoup de cas, pour que çà puisse fonctionner correctement à ce stade, il faut des connaissances, de l’imagination, et un supplément de budget dont on aurait pu se dispenser si les choses avaient été faites dans l’ordre.


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