Résumé des chapitres précédents:
Pour dialoguer avec un conseiller en acoustique, il faut néanmoins comprendre un minimum des contraintes liées à l'exercice de son savoir-faire, afin de rendre la débat constructif au lieu de le laisser dégénérer en affrontement avec le décorateur/architecte d'intérieur.
C'est pour çà que je vous bassine avec des pavés aussi techniques qu'indigestes. Désolé, mais j'essaye de faire "light" autant que possible.
Les réflexions "discrètes"
Les réflexions discrètes sont celles que l'on peut clairement identifier, en général parce qu'elles sont créées par une surface réfléchissante simple et lisse, comme un mur en plâtre nu, une vitre, un sol en marbre.
Il est assez simple de les prédire, il suffit d'identifier la source sonore d'origine (haut-parleur, par exemple), la position et l'orientation de la surface réfléchissante, et le reste n'est que pure géométrie.
Illustration géométrique des réflexions et réfractions
Illustration de comportement d'une surface mixte, partiellement absorbante et partiellement réfléchissante
Ces surfaces sont souvent la source de conflits entre les choix de décoration et les critères d'une acoustique correcte. Une connaissance des règles géométriques de propagation du son peut parfois apporter la solution:
Si on ne peut éliminer une surface réfléchissante, il suffit parfois de modifier son emplacement ou son orientation pour résoudre le problème.
Les réflexions discrètes ont une importance particulière en acoustique: Ce sont les plus fréquentes génératrices de catastrophes.
Autant la réverbération est agréable [ a consommer avec modération, cependant ], autant les réflexions
discrètes perturbent sérieusement l'onde sonore en lui ajoutant son double, mais avec :
Autrement dit, c'est hors de contrôle. Quand une onde sonore réfléchie s'ajoute à une onde sonore directe, on est certain d'un brouillage du message sonore, d'un déséquilibre du spectre de fréquences et d'une perte d'intelligibilité.
Il y a dans une pièce deux types de réflexions discrètes qui accompagnent souvent l'onde directe émise par des enceintes acoustiques:
Illustration de la première réflexion sur le sol
Illustration des réflexions des murs à proximité des enceintes
Notons que c'est à cause de cette dernière réflexion que beaucoup de fabricants d'enceintes préconisent de les placer à au moins 1m du mur le plus proche. Ce faisant, ils n'éliminent pas le problème: en augmentant la distance avec le réflecteur le plus proche on ne fait que déplacer la perturbation vers les fréquences graves…
Ce problème est lié au fait que la plupart des enceintes sont non-directives aux fréquences graves, ce qui fait qu'elles rayonnent autant vers l'arrière que vers l'avant.
Il existe trois solutions possibles à ce problème:
Je reviendrai sur ces enceintes particulières dans un article ultérieur, c'est promis.
Un principe simple
Les réflexions discrètes sont génératrices de soucis pour les acousticiens consciencieux (oh, la belle allitération!) et il est toujours préférable d'organiser la géométrie de la pièce pour que ces réflexions, lorsqu'elles sont courtes (soit un décalage inférieur à 15 millisecondes correspondant à une différence de trajet de 5,10 m) arrivent en dehors de la zone d'audience.
Le problème est la distance: vous avez bien lu, une différence de trajet de 5,10m. Dans une pièce de 25 m2, on peut dire qu'à peu près toutes les réflexions tombent dans cette définition.
Donc, si le principe est simple, le mettre en œuvre dans une pièce normale d'habitation l'est moins.
Heureusement, le problème s'est déjà posé pour les petites cabines de studios d'enregistrement. Et dans le monde professionnel, comme on n'a pas le droit à l'erreur, un problème focalise les énergies des "cellules grises" jusqu'à obtention d'une solution.
Celle-ci vient des studios de la BBC: Ramener le niveau des réflexions courtes à un niveau acceptable par le traitement traditionnel, l'absorption, amenait dans une pièce de petites dimensions à un temps de réverbération (RT60) bien trop court, de l'ordre de 0.2 s, alors que l'environnement souhaité demandait un RT60 de l'ordre de 0.6 s.
Par une géométrie particulière, les premières réflexions sont orientées de manière à rencontrer le mur arrière du local sans passer par la zone d'audience. Ainsi, ces réflexions ne reviennent vers l'audience qu'après avoir traversé toute la pièce, ce qui leur procure largement les 5,10 m ou plus de décalage recherchés (notons que la précision 5,10 m est inutile: elle n'est établie que par conversion. 5m conviennent tout à fait).
Pour des détails sur cette technologie baptisée RFZ (Reflection Free Zone), voir:
http://www.acoustics.salford.ac.uk/student_area/bsc3/room_acoustics/Design2%20%20requirements%20for%20small%20rooms.doc
Pour appliquer à la lettre cette technologie, l'acousticien doit être excellent négociateur dans ses relations avec l'architecte d'intérieur. Il peut néanmoins appliquer certains des principes en créant des volumes et surfaces tout à fait acceptables, ou même franchement superbes, du point de vue visuel. Tout est question d'imagination et de…négociation!
Négociatrice en acoustique en grande discussion avec un architecte d'intérieur
Revenons à nos moutons, je veux dire à nos réflexions. Il est possible de se débarrasser des réflexions courtes sans passer par une absorption excessive. L'avantage n'est pas seulement acoustique, mais il peut être décoratif: Les surfaces absorbantes sont généralement difficiles à utiliser en décoration quand leurs dimensions et positions sont imposées par des considérations techniques qui n'ont rien à voir avec l'esthétique. Les parois dures, réfléchissantes, sont beaucoup plus "gérables" esthétiquement. Il faut y mettre du savoir-faire et de la bonne volonté.
RENDEZ-VOUS AU N°5
Lire aussi:
Acoustique et Décoration : Des frères enemis? Part1
Acoustique et Décoration : Des frères enemis? Part2
Acoustique et Décoration : Des frères enemis? Part3
Par Patrice Congard, responsable intégration de Anagram-Acoustics