Les câbles de haut-parleurs: vive l'empoignade! - Partie 1

6 octobre 2006


J’adore les débats brûlants. Récemment, au hasard des forums anglo-saxons je suis tombé sur une discussion sur l’audibilité des câbles, notamment de haut-parleurs. Le débat n’est pas nouveau, mais j’ai remarqué qu’il stimulait les passions: entre le premier post et le plus récent, le débat s’étalait sur 38 pages, avec à peu près 5 posts en moyenne par page! De loin le sujet qui a attiré le plus de commentaires.
Plus intéressant encore, si le débat était très “soft” au début, il devenait vraiment chaud sur la fin, la vigilance des modérateurs restant le seul rempart à l’attribution de noms d’oiseaux…
Avec mon goût inné de la provoc, je ne pouvais passer à côté d’un tel sujet.

Un peu d’histoire

C’est en 1977 qu’est paru le N° 1 de la revue “L’audiophile”, qui à l’époque jetait un pavé dans la mare. Très pertinemment, ses rédacteurs avaient compris que la mainmise des techniciens et ingénieurs en électronique sur la pensée de l’électroacoustique était un facteur limitant, et que cette limitation était perçue par beaucoup de passionnés comme un frein au progrès. Si beaucoup le sentaient plus ou moins confusément, les rédacteurs de l’Audiophile furent les premiers en France à écrire que l’écoute ne se résumait pas à la mesure avec un oscilloscope.
Alors étudiant en acoustique en Angleterre, je me souviens que mes collègues anglais adhéraient totalement à ces nouveaux concepts, et regrettant de ne pas (pas encore…) les voir soutenus par une presse audio aussi radicale, me demandaient souvent de traduire.
C’est également dans ce brûlot que j’ai lu, environ un an plus tard, le premier article parlant d’essais un peu systématiques sur des câbles de haut-parleurs, et notamment de curieuses expérimentations faites avec une …sonnette!
Ensuite, les chose ont changé très vite: On est venu à ne presque parler que de câbles, de nombreux constructeurs sont apparus pour satisfaire une demande de plus en plus ésotérique, le câble a été sacré “composant d’une chaîne”, et il est devenu évident pour tout le monde que le câble était si important que son prix s’est mis à croître avec son diamètre. On est d’ailleurs arrivé à des quasi-tuyaux d’arrosage dont la raideur et le poids tendent à démonter les connecteurs d’entrée des enceintes ou de sortie des amplis.

Les tenants de la mesure électronique, les incrédules qui sont maintenant passés de l’oscilloscope à l’ordinateur avec cartes de mesures, les scientifiques purs et durs sont maintenant, c’est certain, de vieux obscurantistes grincheux qui ne savent pas utiliser ce que la nature leur a donné: des oreilles.
S’ensuivent des débats passionnés sur les câbles fins contre les câbles de forte section, sur la pureté du cuivre, sur l’argent, sur l’or, sur l’épaisseur et la matière des gaines etc.
Pour ma part, je suis quand même surpris que exactement 28 ans après, le débat soit toujours aussi passionné et même houleux.
D’où mon envie irrésistible d’y mettre un petit grain de sel iconoclaste. Ceci étant dit, ne vous attendez pas à ce que prenne une position péremptoire sur l’influence des câbles: Je tiens à ma peau!

Subjectivité totale ou délimitée?

Il est à peu près admis par tous les professionnels et amateurs expérimentés de l’audio que la mémoire auditive est un leurre, et que l’oreille absolue (quelqu’un qui peut, par exemple, identifier une fréquence pure indépendamment du contexte) est aussi rare qu’un trèfle à quatre feuilles. Je ne dis pas que çà n’existe pas, au contraire, j’ai rencontré un flûtiste à l’IRCAM qui m’a complètement bluffé, identifiant un problème sur une enceinte “vers 1000 Hz”. Une mesure assez sophistiquée avait ensuite révélé une distorsion sous-harmonique à 1030 Hz!
Mais bon, c’est bien le seul que j’aie rencontré en plus de 25 ans de métier.
L’effet “placebo” est également parfaitement reconnu: Si on sait, lors d’une comparaison, ce que l’on écoute, le préjugé l’emporte nettement sur le jugement. Des critères subjectifs n’ayant reine à voir avec l’écoute subjective viennent alors brouiller la perception et le jugement: l’esthétique, la réputation, le prix d’un élément entre autant en ligne de compte que son comportement réel.
Donc, pour émettre un jugement valable, la rigueur est un critère nécessaire à toute évaluation. Les seuls tests d’audition qui soient unanimement reconnus comme rigoureux répondent à quatre critères:

  • Les composants évalués sont invisibles, c’est à dire dissimulés
  • Les comparaisons sont faites par des commutations aléatoires, inconnues des auditeurs
  • Les séances de comparaisons comportent plusieurs sessions avec changement d’appellation des composants évalués (A,B;C…) entre les différentes sessions
  • Il doit y avoir plusieurs auditeurs annotant chaque écoute sans en communiquer le résultat à son voisin. Idéalement, ils doivent passer séparément

Il est évident que la mise en place de ce genre de procédure est un peu lourde. De plus, dans le cas des câbles, certains vont prétendre que l’appréciation subjective ne peut être valable dès lors qu’il y a commutation, puisque ce qu’on entendrait plus que tout , c’est justement le commutateur. Difficulté insurmontable pour certains, qui n’ont peut être pas envie de connaître les résultats d’un tel test…
Ajoutons à cela une pincée de mauvaise foi, un soupçon d’intérêt commercial, la flemme de mettre en place une séance d’évaluation un peu lourde, et le test ne se fait pas.

Pour ma part, je n’ai jamais eu l’occasion d’assister à un seul test sérieux de comparaison de câbles. Je ne dis pas qu’il n’y en ait pas eu, mais je n’en ai entendu parler d’aucun, ni lu de reportage dans aucune revue (les appréciations subjectives des câbles qui traînent dans certaines revues ne font jamais état de conditions d’évaluation rigoureuses. Ce n’est pas le cas, pourtant, lorsqu’il s’agit d’enceintes, d’amplis, de sources, ou les conditions sont parfois clairement exposées).

Pour ma part, je plaide coupable: Je n’ai jamais eu la volonté, le temps, la motivation, l’opportunité, le budget, ou quelque moteur que ce soit suffisant pour mettre en place une telle séance d’évaluation en ce qui concerne les câbles. C’est pour cette raison que je m’abstiens d’un jugement définitif sur leur audibilité.

A contrario, je pense que toute personne émettant un jugement définitif sur la question doit être capable de faire état du résultat d’une telle session.
Après tout, dans des centres de recherche privés ou public, des universités, de tels tests sont effectués pour évaluer différents critères. On en trouve les rapports dans des publications professionnelles, telles le JAES (Journal of Audio Engineering Society) par exemple, et d’autres encore moins connues.
Mais sur les câbles, rien, silence radio.

Patrice CONGARD

Suite de l’article lundi prochain.
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