Acoustique et Décoration: Des frères ennemis? Part 5: Quelques considérations acoustiques (suite et fin)

13 août 2006


Résumé des chapitres précédents:
Pour dialoguer avec un conseiller en acoustique, il faut comprendre un minimum d'acoustique, alors que parler avec un décorateur est beaucoup plus facile ("j'aime" ou "j'aime pas").

Le conseiller en acoustique peut vous "embrouiller" comme il veut et vous emmener dans des directions que vous en souhaitez pas prendre si vous ne comprenez rien à ce qu'il dit. Il lui est facile de justifier ce qu'il fait au nom de ses impératifs acoustiques

Je complète donc pour vous ce tour d'horizon des différentes fonctions et outils qui font le quotidien des acousticiens.

Nous avons vu l'absorption, la réflexion, nous allons voir aujourd'hui la troisième fonction:

La diffraction, diffusion, "scattering"
Pourquoi ce paragraphe n'a-t-il pas un seul titre?
Parce que le terme anglais "scattering" désigne très exactement la fonction que je souhaite décrire ici, et que si je la traduis par "diffraction", je vais faire hurler la moitié des acousticiens francophones, sur le mode: "Ah non, la diffraction, c'est tout autre chose!" – Et ils ont raison.

Si je le traduis donc par "diffusion", l'autre moitié des acousticiens francophones va hurler "Ah, non! La diffusion, çà n'a rien à voir". Là encore, ils ont raison.

Pire: certains acousticiens vont hurler dans les deux cas, mais ceux-là ont particulièrement mauvais caractère.

Par expérience je sais que les acousticiens forment une corporation particulièrement susceptible et pointilleuse, et qu'il faut beaucoup de patience, de psychologie et de "zénitude" pour avoir un dialogue constructif avec eux (voir illustration à la fin de l'article précédent). Les décorateurs le savent bien…

Bon, allez, je choisis d'utiliser le terme "diffraction" parce que c'est celui que j'emploie le plus habituellement, sachant qu'il désigne également un mode de propagation non directionnel autour d'un obstacle.

Alors, de quoi s'agit-il?
Scattering désigne le phénomène qui se produit lorsqu'une lorsque une onde acoustique rencontre une surface dure, réfléchissante, mais qui au lieu de renvoyer l'onde dans une direction symétrique par rapport à un axe perpendiculaire, la renvoie "éclatée" dans une infinité de directions à la fois.


Réflexion Diffraction

Ceci se produit lorsque la surface présente une multitude d'aspérités de tailles, de formes et d'orientations toutes différentes. Chaque petit élément de surface se comporte comme un réflecteur, et renvoie l'onde dans une direction liée à sa forme et à son orientation.

Les différentes tailles des éléments de la surface font qu'ils sont chacun concernés par une plage de fréquences, sachant que l'onde sonore ne "voit" le relief que si ses aspérités sont de taille égale ou supérieure à ¼ de la longueur d'onde.

Pour mémoire, la longueur d'onde λ = 3.40 m à 100 Hz, 34 cm à 1kHz, 3.4 cm à 10 kHz.

Donc, si une onde sonore rencontre une paroi de ce type, dans une certaine plage de fréquence, elle va se réfléchir dans des directions multiples, chaque "élément" de réflexion étant fortement atténué par rapport à l'onde incidente, en vertu de la loi de conservation d'énergie.

Cette infinité de micro-réflexions s'apparente à un phénomène de diffraction, ce qui me fait préférer ce terme pour la traduction de "scattering".

Maintenant, si un acousticien ou tout autre lecteur veut m'adresser un mail d'insultes pour une traduction inadéquate, j'assume totalement: Mon adresse mail perso est: patricecongard@neuf.fr

Ouf! Ceci étant dit, les objets diffractants sont très divers, et ont pour fonction de favoriser l'homogénéité de la réverbération. On trouve dans cette catégorie tous les objets non absorbants de formes complexes:

Statues, sculptures diverses


Lustres

Décorations baroques, moulures

Mobilier (parties non absorbantes)

Mais aussi des surfaces:

Murs au relief irrégulier (pierres brutes)

Étagères avec dos de livres, CDs, DVDs (à condition qu'ils ne soient pas parfaitement alignés, serrés les uns contre les autres)

Panneaux acoustiques spéciaux

Et dans les basses fréquences:

Alcôves

Escaliers

Variations de niveau (sol ou plafond)

Une attention particulière peut être portée aux panneaux acoustiques spéciaux, conçus très précisément pour créer de la diffraction: à l'inverse de tous les autres éléments énumérés ici, on connaît exactement leurs caractéristiques de diffraction et la plage de fréquences de leur action. Ainsi, on peut les utiliser de façon précise, et non empirique.

En pratique, si dans la pièce il existe déjà, du fait de la décoration, une réelle diversité de formes, de volumes et de surfaces, il est rarement nécessaire d'y ajouter des panneaux diffractants, la réverbération étant déjà homogène.

Dans ce cas, il suffit d'en contrôler la quantité (mesurée par le RT60) en ajustant la quantité de surfaces absorbantes.

Si, au contraire, nous avons affaire à de grandes surfaces lisses et un mobilier minimaliste, l'adjonction de panneaux spécialisés sera la seule façon de sauver une acoustique en perdition.

Les panneaux diffractants

Nous avons vu que toutes les surfaces irrégulières sont plus ou moins diffractantes. Cependant, des recherches relativement récentes ont permis la mise au point de panneaux dont les caractéristiques de diffraction sont optimisées pour une plage de fréquences données: Elles sont optimisées dans la mesure où la multitude de micro-réflexions offre une densité homogène suivant tous les angles de la face avant du panneau (c'est-à-dire sur 180°), soit dans un plan (panneau 2D), soit dans tous les plans du demi-espace (panneau 3D)

Grosso-modo, on peut ranger ces panneaux dans quatre catégories:

Les poly-cylindres (utilisés depuis longtemps en studio d'enregistrement -particulièrement inesthétiques)


Poly-cylindres traitant un plafond

Les panneaux dits de Shroeder, (RPG) présentant des "puits" de profondeurs différentes, en 1D


Panneau RPG

Les panneaux de Shroeder en 2D, (RPG) moins efficaces dans un plan, mais offrant l'avantage d'être 2D (Assez inesthétiques à mon goût)


Panneau RPG 2D

Les panneaux à séquences de profondeur constante et de largeur variable, de type Acousticraft


Acousticraft LAWD


Acousticraft Hi-LAWD installés

L'intérêt de ces panneaux est qu'ils permettent une approche raisonnée du contrôle de la réverbération, et qu'on peut également les dissimuler, les habiller, ou encore même les utiliser en éléments de décor.


Panneau Acousticraft "habillé" d'une impression décorative

Donc, à l'aide de panneaux diffractants, on peut conserver un taux de réverbération suffisant tout en échappant aux abominables échos flottants. Leur emploi est flexible, puisqu'il est possible d'en mettre le nombre souhaité, aux emplacements définis par les besoins géométriques de la pièce.

De tels panneaux peuvent être combinés avec des absorbants plus ou moins épais, de manière à ajuster à volonté le temps de réverbération.

Attention cependant, je vois déjà poindre une discorde entre l'acousticien et l'architecte décorateur: Si ce dernier a accepté la présence de ces panneaux, c'est seulement à condition que ce soit LUI qui décide où les placer…

Néanmoins, on peut dire que si un acousticien veut vous imposer des traitements ne respectant aucune considération esthétique, c'est qu'il y met de la mauvaise volonté, car aujourd'hui les outils de traitement existent dans des formats et des apparences suffisamment divers pour que le décorateur y trouve quelque chose d'acceptable.

RENDEZ-VOUS AU N°6

Lire aussi:
Acoustique et Décoration : Des frères enemis? Part1
Acoustique et Décoration : Des frères enemis? Part2
Acoustique et Décoration : Des frères enemis? Part3
Acoustique et Décoration : Des frères enemis? Part4 

Par Patrice Congard, responsable intégration de Anagram-Acoustics


Publicité
Publicité

© 1999-2024 SENTICOM

CONTACTFICHES PRODUITSRSS