Rencontre avec Anthony Grimani (Cine Panel)

8 janvier 2003


Société PMI

Dans le cadre de nos rencontres avec les pros, nous vous proposons aujourd’hui de faire connaissance avec Anthony Grimani président de la société PMI et ancien de chez Dolby et THX ou il a largement contribué au développement du son multicanal tel qu’il se présente actuellement.
C’est de passage à Paris qu’il nous a accordé cet entretien afin de nous parler de son parcours exceptionnel ainsi que des problèmes liés à l’acoustique dans une installation Home Cinéma, et ce, avant de se rendre ensuite à la conférence AES (Audio Engineering Society) qui de tenait à Amsterdam pour y présenter un nouveau compte rendu de recherche.



Vous êtes connu principalement outre atlantique en tant que vétéran du son multicanal et de l’acoustique. D’où vient votre maîtrise du français ?
J’ai été élevé en France jusqu’à l’obtention de mon baccalauréat, mais je suis d’origine australienne. Mon père était ingénieur en électronique et ma mère musicienne, donc en ce qui concerne le son et sa restitution, on peut dire que je suis « tombé dedans quand j’étais petit ». Adolescent, je bricolais pas mal sur des amplis et j’en ai fait fumer plus d’un… C’est tout naturellement que je décidai de m’orienter vers cette branche pour mes études.

Pourquoi cette migration vers les Etats-Unis ?
Je voulais y acquérir un diplôme d’ingénieur car les équivalents américains étaient mieux reconnus et s’obtenaient plus rapidement, non pas que les diplômes européens soit moins valables en quoi que soit mais c’était comme ça que se présentait le marché du travail. J’ai donc effectué quatre ans d’études à l’University of California, Davis où j’ai obtenu un diplôme d’ingénieur (BS Electrical Engineering). Parallèlement à cette formation, je consacrais mon temps libre à faire un peu de radio locale et jouer de la musique dans différentes formations. C’est à cette occasion que j’ai pu faire quelques expériences d’enregistrement en multicanal grâce à un magnétophone quadriphonique dont disposait le studio du coin.

Le son multicanal, c’est ce qui vous a conduit à travailler chez Dolby Laboratories ?
Et bien, pour tout vous dire, c’est tout à fait par hasard que j’ai été amené à travailler pour Dolby, car je n’ambitionnais pas particulièrement d’évoluer dans le son. Dolby était connu surtout pour ses réducteurs de bruit et non pour leur procédé multicanal dans les salles de cinéma, qui était à l’époque, le Dolby Stereo. En tant que passionné d’électronique et d’enregistrements musicaux, j’ai immédiatement proposé ma candidature, suite à une annonce de leur part faite dans la presse.

Quel fut exactement votre rôle là-bas ?
Durant les trois premières années, je fut chargé d’apporter un soutient aux fabricants de puces intégrants les technologies Dolby de réduction de bruit destinées a la cassette audio. Durant cette période, je fit le constat suivant : Les ventes de cassettes audio commençaient à diminuer tandis que celles des cassettes vidéo affichaient une hausse importante. On aurait même pu prédire le moment ou les courbes finiraient par se croiser. De plus, le son stéréo faisait son apparition aussi bien dans les émissions télés qu’avec les magnétoscopes. Pourquoi ne pas alors appliquer aux produits « consumer » le procédé Dolby Surround des salles de cinéma qui consiste à encoder 4 canaux dans un signal stéréo ?

Vous avez donc contribué à mettre en place le Dolby Surround ?
Oui, en partie. Mais il a fallut d’abord convaincre mes collègues de chez Dolby que ça valait la peine de s’y consacrer car ceux ci se sont montrés très septiques au départ. Il faut se replacer dans le contexte de l’époque : le fiasco de la quadriphonie, qui avait eu lieu il y a moins de dix ans, était encore présent dans les esprits. Mais avec le Dolby Surround, c’était une approche différente comparé à la musique en multicanal , la grande majorité du software était déjà disponible, la bande sonore d’un film sur support vidéo n’étant qu’un copié/collé fait à partir de la bande mère en 35 mm. Dolby finit par considérer sérieusement le potentiel que cela représentait, et on me délégua la responsabilité des applications Home Cinéma.

En quoi cela consistait ?
Je devais intervenir après des fabricants ainsi que des éditeurs vidéo. Je m’occupais aussi bien des aspects purement techniques, de la partie commerciale et du « Licensing ». Il eu bien sûr des réticences de la part de beaucoup au départ mais l’idée fit petit à petit son chemin. J’ai eu également l’occasion de travailler avec les chaînes de productions pour la télévision car en dehors des films de cinéma, le Dolby Surround pouvait aussi s’appliquer aux shows télévisés, aux retransmissions sportives, et aux séries télés. Il fallait s’assurer que, malgré la diversité des programmes proposés, une certaine continuité sonore demeurait.

C’est un eu plus tard que le Pro-Logic est apparu …
Contrairement au Dolby Stereo des salles de cinéma, le Dolby Surround au départ ne possédait pas de canal central car c’était beaucoup moins coûteux à implanter ainsi. Les utilisateurs étaient surtout séduit part les effets surround qui représentaient un changement important, de plus nous ne voulions pas les effrayer en leur imposant d’emblée l’installation de cinq enceintes. Une fois que le Home Cinema avait pris son élan, nous pouvions enfin ajouter la séparation de la voie centrale avec le Pro-Logic. C’est durant cette période que les problèmes liés à l’acoustique furent mis en évidence. Lors de la première présentation du Pro-Logic au cours d’un salon à Berlin, le son obtenu dans l’auditorium sortait en mono géante ! Du moins, c’est ce qui nous avait semblé. Après différents tests et de nombreux allers-retours entre la salle ou avait été mixé le film de démo et l’auditorium du salon, nous nous sommes rendus compte que c’était la pièce qui était en cause. Elle provoquait de nombreuses réflexions et faisait perdre tout le bénéfice du multicanal.

Comment pourrait on définir ces problèmes liés à l’acoustique ?
Disons que les problèmes tiennent au fait qu’une même bande sonore est reproduite dans des environnements différents. Typiquement, la bande sonore d’un film de cinéma est crée dans une grande salle de mixage pour être diffusée ensuite dans une salle de cinéma. Puis, lorsque le film connaît une deuxième vie à travers la vidéo les dimensions sont réduites à l’échelle d’un living room. Cela fait deux environnements distincts avec des caractéristiques qui leurs sont propres. De leur coté, les techniciens de THX, qui voulaient mettre en place une version « consumer » de leurs technologies, venaient de consacrer trois années à rechercher et à documenter les différences qui existaient entre ces conditions d’écoute, afin de recréer, à l’instar des salles de cinéma THX, le même rendu chez soi que dans une salle de mixage. J’eus à l’époque de nombreux échanges avec Tomlinson Holman pour traiter de ces questions.

Avec les conséquences que l’on sait : Il vous a embauché par la suite chez THX …
Oui, a partir de 1990. Mes fonctions étaient similaires à celles que j’avais auprès de Dolby. J’étais « Director of Licensing » et je démarchais de nouveau auprès des fabricants pour promouvoir et développer le Home THX. Ceux qui se sont montrés réceptifs ou au contraire réticents furent à peu près les mêmes que du temps de chez Dolby. Là encore, l’aspect purement acoustique s’est révélé primordial et bon nombre de gens seraient surpris à quel point leur matériel sonne bien, à condition d’être bien mis en œuvre. Nous avons fait de nombreuses écoutes en ABX, c’est à dire en « aveugle » et nous nous sommes rendus compte qu’il existait plus de disparités avec un même matériel fonctionnent dans des environnements différents qu’entre divers éléments dans un même local d’écoute.

Avez vous participé au développement de nouvelles technologies pour THX ?
En 1997, le processus de licensing ayant atteint sa vitesse de croisière, je changeais de poste pour devenir Director of Technology Les trois grands projets furent le Dolby Digital Surround EX, les lecteurs de DVD THX et le PM3 destiné aux studios de mixage.
Le Dolby EX fut mis au point pour répondre aux attentes de Gary Rydstrom qui est le principal « Sound Desinger » du Skywalker Ranch. Pour le film « Star Wars : La Menace Fantôme », il estimait que le 5.1 ne lui permettait pas de resituer tous les effets qu’il voulait obtenir, notamment dans la partie surround. Nous avons pensé à un canal supplémentaire « arrière » qui pourrait être matricé dans les canaux surround existants un peu à la manière du Pro-Logic ce qui offrait l’avantage d’avoir une meilleure résolution à l’arrière tout en conservant une retro-compatibilité avec le 5.1, et qui permettait ainsi une évolution des équipements en douceur.
En ce qui concerne la norme THX appliquée aux lecteurs de DVD, c’est au cours des nombreux « masterings » de DVD qu’est apparue une certaine disparité entre les lecteurs, nous voulions là aussi mettre en place un standard pour s’assurer que la vision du réalisateur soit respectée , ce qui a toujours été la raison d’être de THX.
PM3 signifie Professional Multi-channel Mixing and Monitoring et représente toute une série de normes de qualité technique pour les studios de post-production et d’enregistrement de musique. Ces normes en fait regroupent plus d’une quinzaine d’années d’évolution dans la conception, la mise en place et le paramétrage de ces studios. Grâce a cette normalisation les producteurs de bandes sonores de film ou de musique peuvent ce situer dans un lieu de travail qui est prévisible et qui représente avec précision les caractéristiques sonores d’un bon Home Cinéma !

Vous avez crée votre propre entreprise depuis. Quelles en sont les activités ?
En 1999, j’ai lancé PMI-Performance Media Industries Ltd, société de consulting spécialisé dans l’acoustique et le son multicanal. Notre bureau d’étude travaille sur des projets traitant aussi bien de systèmes Home Cinéma hauts de gamme, de studios d’enregistrement en multicanal ou du broadcast. Nous sommes également distributeurs d’outils de paramétrage audio/vidéo comme le DVD 5.1 Audio Toolkit et de kits de traitement acoustique que nous avons baptisé CinePanel qui sont commercialisés aux USA et en France depuis un peu plus d’un an.

Pouvez vous nous décrire en quoi consiste CinePanel ?
CinePanel à été conçu suite à la demande spécifique de clients dont les contraintes ne permettaient pas d’intégrer un traitement acoustique poussé et permanent. Cette solution est constituée d’un ensemble de panneaux acoustiques Absorbants/Diffusants par paires et qui parvient à résoudre les problèmes les plus fréquemment rencontrés. L’avantage principal est qu’il s’agit d’un solution « Plug’n Play » que l’on peut installer soi même et qui représente une solution nettement moins onéreuse comparée à une étude acoustique complète avec une installation lourde en travaux avec toile tendue, etc… On peut parler d’un traitement « semi custom »

Quoi d’autre de neuf sur le plan technologique ?
Nous sommes toujours en train de travailler sur de nouvelles solutions au problèmes d’acoustique et de traitement du son. Nous avons élabore un tout nouveau système d’absorption de son graves. Ce nouveau « bass-trap » est plus efficace et plus fiable que les constructions typiques. Il s’agit d’un boîtier qui combine un résonateur à ressorts métalliques avec un évent type Helmholtz. Nous l’avons conçu à l’origine pour résoudre un problème de résonance acoustique très fort chez un client à Los Angeles, et nous en avons fait un compte rendu de recherche que je présente à la conférence de L’Audio Engineering Society à Amsterdam. On verra si tout cela se retrouvera dans l’avenir dans une version prêt à poser…

Le mot de la fin ?
De nos jours, avec l’avancée de la technologie, mettre au point et fabriquer des équipements électroniques de qualité est devenu de plus en plus facile et accessible. Il est désormais possible d’obtenir chez soi un rendu qui rivalise avec les meilleures salles de cinéma. Il est dommage de constater que l’élément le plus important mais le plus négligé demeure la mise en œuvre des systèmes, notamment en ce qui concerne l’acoustique et le paramétrage. Avec le nombre croissant de professionnels et d’intégrateurs compétents, gageons que la tendance va s’inverser pour retranscrire au mieux l’intention du réalisateur dans les foyers.



Pièce sans traitement CinePanel

Pièce avec traitement absorbant CinePanel

Pièce avec traitement diffuseur CinePanel

Exemple de pièce avec traitement acoustique CinePanel

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